Depuis la sortie de la Grèce de l’Empire ottoman en 1821, les relations gréco-turques ont toujours été tendues. Déjà en 1996, la Grèce et la Turquie avaient failli s’affronter militairement à propos d’îlots inhabités revendiqués par chacun. Par ailleurs, la récente découverte de vastes gisements gaziers en Méditerranée orientale n’a pas participé à l’apaisement des tensions et a, a contrario, renforcé les rivalités entre les pays riverains à ces zones, comme la Grèce, Chypre, la Turquie, l’Egypte et Israël. Afin d’assurer son indépendance énergétique, la marine turque a mené un grand nombre de forages exploratoires au large de Chypre, attisant la colère de la plupart des pays de la région et de l’Union européenne qui condamnent ces activités en les qualifiant d’ »illégales ». En outre, la signature, l’année dernière, d’un accord turco-libyen controversé sur le partage des espaces maritimes entre Ankara et Tripoli, pour renforcer l’hégémonie turc en Méditerranée orientale, fut fortement dénoncé par Athènes. Cependant, c’est en ce mois d’aout 2020 que la tension entre les deux états a atteint son acmé ! Ces derniers temps, le président turc semble multiplier les provocations à l’égard de la Grèce. Erdogan a décidé récemment que la basilique Sainte-Sophie, transformée en musée en 1934 par le président Kemal Ataturk, serait rendue au culte musulman. Or celle-ci, avant sa conversion en mosquée suite à la prise de Constantinople en 1453, fut dès sa construction au Ve siècle, une basilique orthodoxe. Cette « réattribution » de Sainte Sophie au culte musulman a de facto fait polémique à l’internationale et plus particulièrement dans les pays orthodoxes. En outre, quinze navires militaires turcs ont pris la mer pour accompagner le navire Oruç Reis dans une exploration gazière sous-marine, en Méditerranée orientale. Un développement très près de l’île grecque de Kastellorizo, à 2 km du rivage turc, qui a conduit Athènes à mettre en état d’alerte sa marine, le mercredi 22 juillet dernier. Ces événements traduisant les rêves expansionnistes d’Erdogan, mais aussi du côté grec l’arrivée de la droite nationaliste au pouvoir à Athènes, face au potentiel pétrolier et gazier de la région ne font qu’alimenter l’escalade des tensions gréco-turques.
Le gouvernement grec a demandé à Ankara de « cesser immédiatement ses actions illégales » qui « violent sa souveraineté et menacent la paix et la sécurité de la région ». Cependant, le gouvernement turc résiste et persiste à affirmer que la zone an question est « entièrement sur le plateau continental turc tel que délimité par les conventions de l’ONU ». Toutefois, après ses nombreuses protestations, le gouvernement turc avait, sous la pression européenne, finalement cédé et annoncé la suspension de son projet d’exploration en Méditerranée orientale le 28 juillet dernier. Mais alors qu’Ankara et Athènes entamaient enfin une désescalade des tensions, la Turquie a soudainement fait volte-face et s’est retractée. Hami Aksoy, le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, a déclaré lors d’une conférence officielle le 11 aout : « Ce geste de bonne volonté, visant à donner une chance à la diplomatie et à revitaliser les canaux de dialogue que nous avons faits à la demande de l’Allemagne et de l’UE, n’a pas été réciproque ». Le président Recep Tayyip Erdogan a en effet annoncé la reprise des recherches turques en Méditerranée orientale, en réponse à la signature d’un accord maritime entre la Grèce et l’Egypte, le 6 août 2020. Selon le gouvernement turc, cet accord est une véritable la violation des plateaux continentaux de la Turquie et de la Libye en Méditerranée orientale. En réponse à la décision du gouvernement turc « le ministère des Affaires étrangères va déposer une demande pour un sommet d’urgence du Conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne » a annoncé ce mardi 11 août le bureau du Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis.