« On vient d’ouvrir grand la porte. Quand on voit que 70% des droits de douane vont être supprimés de manière immédiate et que 30% seront éliminés au cours des prochaines années, on doit conclure qu’il s’agit d’un accord très important. Certes, des pas restent à affranchir, surtout côté européen, où les secteurs de la production agroalimentaire ont été historiquement subventionnés par les États mais, côté MERCOSUR il n’y aura pas de difficulté majeure. ».
« Nous ne pouvons signer en l’état. Nous devons avoir des assurances sur le respect de l’accord de Paris, que la hausse des échanges commerciaux n’entraîne pas un accroissement de la déforestation et que les normes sanitaires et phytosanitaires européennes soient respectées. C’est un choix irréversible de notre part et nous travaillons avec nos partenaires européens pour disposer de ces garanties. Notre combat pour le climat est conciliable avec le commerce international, mais il faut le concrétiser dans la réalité des accords commerciaux. »
Ces déclarations antagoniques de Rodolfo Nin Novoa, Ministre des Affaires Étrangères de l’Uruguay d’une part, et de Franck Riester Ministre du Commerce de la France d’autre part, relevées le lendemain de la signature de l’Accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur illustrent bien que le chemin restant à parcourir est long et semé d’embûches.
Cette signature intervenue, un peu à l’arrachée, le 28 juin 2019 à Bruxelles, avait permis au Président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker, au Président de l’Argentine, Mauricio Macri, et du Brésil, Jaïr Bolsonaro, de faire une démonstration de force et de multilatéralisme lors du Sommet du G20 à Osaka au Japon.
Plus de 20 ans de négociations s’étaient déjà écoulés. Bien que des antécédents existaient, on situe le début des négociations pour cette coopération en 1999. Mais, cinq ans plus tard, l’année 2004 marquera un point d’arrêt en raison de l’inclusion des produits agricoles aux politiques de subventions européennes (PAC) et aux asymétries des quatre pays sud-américains (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay).
Finalement, par la suite les pourparlers ont repris avant de s’arrêter de nouveau.
C’est en 2017, qu’a enfin eu lieu une avancée importante dans ces négociations à Brasilia, lorsque la Commission européenne a accepté, sur fond de guerre commerciale USA-Chine, l’entrée sur son marché de 70.000 tonnes de viande bovine et de 600.000 tonnes d’éthanol.
Au cours du premier semestre 2019, l’Espagne, très attachée au continent sud-américain, et l’Allemagne, soucieuse de trouver des nouveaux débouchés pour son industrie lourde de machines-outils et de produits chimiques, ont réussi à convaincre leurs partenaires européens de l’intérêt d’un tel accord. En effet, le périmètre et la portée du dit accord sont sans précédent pour les deux blocs car il peut générer un marché de biens et de services de 800 millions de consommateurs, constituant presque un quart du PIB mondial. Il s’agit bel et bien d’un marché stratégique avec un PIB par habitant de 34.000 dollars US, comportant un potentiel considérable de développement de la matrice de production des pays signataires.