Le ralentissement de l’activité économique et des déplacements a entraîné une baisse de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre. L’opinion publique présente ainsi le Covid-19 comme un « ami du climat ». Cependant, ces bénéfices de court terme pourraient bel et bien être contrebalancés par une rechute cette fois fatale…
« Le climat a besoin d’une baisse soutenue et régulière des émissions de gaz à effet de serre, pas d’une année blanche », avertit un chercheur de l’université de Liege, François Gemenne.
Il est indéniable que le monde connait en ce mois d’avril une diminution considérable de la pollution de son air. Les populations confinées, et donc les transports paralysés, les avions cloués au sol, la mise à l’arrêt des usines et enfin l’annulation des évènements entraînent une chute immédiate des émissions de gaz à effet de serre. Notre terre dispose d’un moment de répit et peut enfin respirer !
En Chine, par exemple, les satellites ont présenté des images frappantes vues depuis l’espace. Après un mois de restriction et de mesures de confinement pour lutter contre l’épidémie, les nuages noirs qui flottaient au-dessus des villes chinoises ont entièrement disparu. Les données, récoltées par les satellites, confirment cette évolution inédite du taux de particules fines et de polluants dans l’atmosphère. En janvier et février 2020, la concentration de dioxyde d’azote a diminué jusqu’à être divisé de moitié dans les grandes villes chinoises par rapport à l’année précédente. Le taux de monoxyde de carbone a, lui, baissé de près de 30% dans toute la région entre Wuhan et Beijing. A l’échelle mondiale, on observe un phénomène similaire dans plusieurs régions du monde. Par ailleurs, ce phénomène va s’intensifier suite à la mise en confinement de l’un des plus grands pollueurs mondiaux : les Etats-Unis.
Mais paradoxalement, cette accalmie pourrait se transformer en une recrudescence de la pollution mondiale. Bien que certaines minorités voient en cette crise une opportunité pour construire une société plus résiliente et moins polluante, de nombreux Etats placent l’enjeu économique au centre de leur politique post-crise.
Cette relance de l’économie pourrait s’apparenter à la sortie de la crise de 2008 où les émissions de gaz à effet de serre, après une récession, avaient connu un fort rebond. De nombreux pays appellent d’ores et déjà à l’indulgence écologique, en demandant une suppression temporaire des mesures climatiques pour permettre la relance économique après le déconfinement.
Ainsi, en Europe, la Pologne et la République Tchèque ont demandé un recul sur le Pacte Vert avec l’abandon du « Green New Deal », mis en place par la nouvelle Commission, présidée par l’Allemande, Ursula von der Leyen. Le gouvernement polonais va même jusqu’à exiger la suppression du marché des quotas de CO2 à compter du 1er janvier 2021. Le Canada, quant à lui, souhaite à la fin de l’épidémie relancer son industrie pétrolière et gazière plus intensément, pour rattraper les pertes financières. De même la Chine, elle, envisage de construire des centaines de nouvelles centrales à charbon et de redévelopper son activité industrielle plus intensément. Les compagnies aériennes, tout particulièrement victimes de cette crise, désirent un ralentissement des objectifs climatiques avec la suspension des taxes sur les vols, afin de combler leurs déficits budgétaires.
Par ailleurs, le coronavirus a entraîné la suspension des négociations internationales liées au climat et a complètement chamboulé l’agenda écologique. Par exemple, les réunions préparatoires de Montréal, en ce qui concerne la biodiversité mondiale, supposées se tenir en mai, ont été reportées. De même, la tenue de la COP15 pour la biodiversité d’octobre en Chine est encore incertaine.
Cependant, au début du mois d’avril dernier, la convention citoyenne pour le climat, chargée de proposer des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique s’est tout de même réunie en visioconférence. La thématique abordée était « les conséquences économiques et sociales » de la crise liée au coronavirus.
Ainsi, aujourd’hui, de nombreuses coopérations recherchent-elles de manière proactive des moyens de réguler « l’après-épidémie », afin que celle-ci ne soit pas trop brutale pour notre planète sans pour autant réfréner trop durement les activités économiques mondiales.