Depuis le 17 mars, les frontières extérieures de l’espace Schengen étaient fermées en raison de l’épidémie de Covid-19. La liberté de circulation, liberté fondamentale supposée garantie par la citoyenneté européenne, était limitée même au sein de l’Union au profit de la sécurité sanitaire. Au cours de cette période inédite, seuls les voyageurs essentiels, nommément les résidents ou citoyens de l’UE revenant de l’étranger, ainsi que le personnel clé dans la lutte contre le Covid-19, avaient pu pénétrer cette nouvelle muraille européenne.
Cependant, le reflux progressif du virus et l’approche des vacances d’été ont fait redoubler les voix des partisans d’une reprise – du moins partielle – de la vie, et notamment des flux touristiques. De fait, cette barrière européenne inquiète fortement les professionnels des différents secteurs corrélés à l’activité touristique, qui craignent de ne pas voir affluer les touristes étrangers lors de la saison estivale.
A plus grande échelle, des économies nationales telles que celle de l’Espagne ou de la Grèce, où le tourisme représente pour les deux pays près de 20% du PIB, dépendent fortement de cette industrie et appellent depuis déjà quelques temps les autres États-membres à agir dans le sens d’une réouverture commune de l’espace.
Ainsi, après de longues négociations, les ambassadeurs permanents des 27 Etats de l’UE ont finalement réussi leur défi : établir une stratégie coordonnée. Mardi 30 juin, ils se sont entendus sur une liste de 15 pays tiers dont les touristes pourront entrer dans l’Union européenne à partir du mercredi 1er juillet. Le Royaume-Uni, qui a quitté l’UE au début de 2020 – mais étant actuellement en période de transition – est considéré comme faisant partie de l’Union et ne se voit, quant à lui, imposer aucune restriction sanitaire malgré la forte circulation du Covid-19 sur son territoire.
La liste actuelle des 15 pays concernés comprend l’Algérie, l’Australie, le Canada, la Géorgie, le Japon, le Monténégro, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, le Rwanda, la Serbie, la Corée du Sud, la Thaïlande, la Tunisie et l’Uruguay, mais aussi la Chine, sous conditions. Les voyageurs d’Andorre, Monaco, du Vatican et Saint-Marin seront eux aussi admis en Europe. Les voyageurs de ces 14 pays (hormis la Chine), abritant au total environ 430 millions de résidents, sont ainsi à nouveau les bienvenus sur le territoire européen. La Chine et ses 1,4 milliards d’habitants, sont théoriquement admis de nouveau, sous réserve que Pékin lève son veto également à l’entrée de son territoire pour les Européens.
Pour établir cette liste, les États membres ont pris en compte plusieurs critères parmi lequel apparaît celui de la réciprocité des mesures. Si un pays ferme ses frontières aux citoyens européens, alors les Vingt-Sept le laisseront sur la liste noire. L’Algérie, bien qu’inscrite sur la liste verte de l’UE, a annoncé que ses frontières resteraient bel et bien fermées en raison d’une recrudescence des cas sur son territoire. En ce qui concerne le Maroc, aucune date n’a été encore fixée pour la réouverture de ses frontières, et la question reste en suspens.
Un autre critère majeur pris en compte pour la formation de cette liste est la situation épidémiologique du pays. Les ambassadeurs se sont montrés intransigeants et, suite aux recommandations de l’ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies), ont recherché les critères les plus stricts en matière de nombre d’infections par million d’habitants. Le taux de nouveaux cas de Covid-19 dans le pays tiers ne pourra pas excéder 16 pour 100 000 habitants (moyenne dans l’UE) sur les 14 derniers jours.
Ainsi, un grand nombre de pays ne répondant pas aux critères de sécurité sanitaire établis, se sont retrouvés sur une « liste noire » et seront toujours soumis aux restrictions imposées par la Commission européenne.
Parmi eux, on retrouve les pays du Moyen-Orient, comme l’Iran, l’Arabie saoudite ou la Turquie. Du côté de l’Amérique Latine et aux Caraïbes, la situation sanitaire est de plus en plus inquiétante, avec un bilan qui pourrait dépasser les 400 000 morts dans les trois mois à venir, selon l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS). Tous les Etats (excepté l’Uruguay) ont été privé d’accès au Vieux Continent.
Concernant les États-Unis, la décision a été plus délicate. Toutefois, Washington avait déjà fermé les frontières avec l’UE au début de la crise du Covid-19. Cette action a pu de facto servir de justification pour renforcer la décision d’exclusion de ce pays, dont la pandémie de Coronavirus s’étend de jour en jour et semble hors de contrôle sur une partie du territoire.
Nonobstant, ces interdictions de voyage vers l’Union européenne ne concernent pas les ressortissants et résidents de l’Union, ainsi que leurs familles. Les professionnels de la santé, les travailleurs saisonniers, les diplomates et les voyageurs se déplaçant pour des motifs familiaux impérieux bénéficient eux aussi d’un statut particulier.
Cette liste de pays autorisés au sein de l’UE, sera mise à jour tous les 14 jours, avec l’ajout ou la suppression de pays, afin de s’adapter à l’évolution de la crise sanitaire dans ces pays.
Cette liste ne constitue néanmoins qu’une recommandation, car la décision finale n’appartient en réalité qu’aux États membres de l’UE.
Bien que certains pays ne mettent pas en place de contrôle spécifiques à leurs frontières internes, d’autres comptent se montrer plus vigilants.
A titre d’exemple, en Italie, le ministre de la Santé, Roberto Speranza a d’ailleurs déclaré « L’Italie choisit la ligne de prudence et maintient l’isolement fiduciaire et la surveillance de la santé pour tous les citoyens des pays non-Schengen. ». Il a ensuite ajouté que cette mesure s’appliquerait de fait également aux voyageurs des pays présents sur la « liste verte » de l’UE.
En ce qui concerne les conditions d’entrée et les restrictions par pays (quarantaine, test…), le site Re-open UE a également été mis à la disposition des voyageurs européens pour faciliter leurs déplacements.
En outre, bien que les voyages aient repris, la Commission européenne a rappelé à ses États membres et au secteur du tourisme qu’il fallait rester vigilant et qu’il fallait être prêt à prendre des mesures et des protocoles d’urgence après toute découverte de cas.