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Plus d’un an après, l’Explosion à Beyrouth est-elle le détonateur de la chute du Liban ?

Il y a un peu plus d’un an, une explosion de 500 tonnes de nitrate d’ammonium stocké dans un hangar du port de Beyrouth, a donné aux libanais et au monde une vision apocalyptique. (cf Explosion à Beyrouth : Le Liban face aux crises Info Internationale (info-internationale.com) )

Plus d’un an après, malgré les dons de la communauté internationale et des acteurs privés, la ville est toujours en ruine et l’enquête toujours en suspens.

Que sait on aujourd’hui de cette double explosion du 4 aout 2020 ?

Le rapport de 127 pages, « Ils nous ont tués de l’intérieur : une enquête sur l’explosion du 4 août 2021 à Beyrouth », dénonce clairement les hauts responsables libanais qui ont négligemment laisser stocker ces tonnes de nitrate d’ammonium depuis 2014 dans un entrepôt du port sans aucune mesure de précaution en dépit des alertes des services douaniers.

Plus d’un an après l’explosion qui a causé 214 morts et plus de 6 500 blessés, malgré les promesses des autorités libanaises de rendre justice rapidement, aucun procès sérieux n’a été rendu en raison des failles procédurales dans l’enquête nationale, notamment avec à l’immunité des hauts responsables politiques maintenue par le Parlement libanais. En ce qui concerne la provenance du nitrate, le nom d’un oligarque de Khabarovsk, citoyen russe maintenant résident à Chypre, d’Igor Gretchouchkine, un homme d’affaires russe, à la tête d’une société baptisée Teto Shipping a été identifié comme étant le propriétaire du Rhosus, navire moldave venant de Géorgie ayant acheminé la cargaison.  Une source de sécurité libanaise aurait déclaré à l’AFP que le Rhosus avait pour destination d’origine le Mozambique.

Selon le FBI, sur les 2500 tonnes de nitrate qui avaient été stockés, 2000 tonnes, par le biais du Hezbolla, auraient quitté les entrepôts potentiellement vers la Syrie pour préparer des explosifs dans le cadre de la guerre interne.

Mais cette explosion criminelle impunie ne serait que la partie émergée de l’iceberg qui cache tout d’abord une dramatique crise économique et humanitaire…

Le point de départ de cette crise remonte aux années 1990, où Liban a fait le choix de baser son modèle économique sur les IDE et les diasporas. Malheureusement cet argent a été détourné par les politiciens au pouvoir pour financer leurs réseaux clientélistes au lieu de servir à développer le pays.

Cependant au fil des années la confiance des investisseurs en les institutions libanaises a commencé à se dégrader et la fuite des capitaux étrangers et de la diaspora s’est accéléré avec la pandémie du covid. Ainsi, le Liban n’ayant pas diversifié son économie et étant fortement dépendant des importations y compris pour les biens de première nécessité, s’est retrouvé mis en difficulté.

Alors que pendant trente ans, 1 dollar valait 1 500 livres, aujourd’hui, il équivaut à plus de 20 000 livres. On constate en effet en 2020 que la monnaie libanaise a dévalué 90% de sa valeur et que le PIB a observé une baisse de 9,2%.

Selon les estimations de la Banque mondiale, entre 2018 et 2020, le PIB par habitant libanais a chuté de 40%, à l’image des chocs connu lors des conflits ou des guerres.  Près de la moitié de la population libanaise vit désormais sous le seuil de pauvreté. Aujourd’hui, selon le dernier rapport de l’Unicef, un peu moins d’un million de Libanais, soit 77% des familles libanaises, manquent moyens pour se nourrir correctement en raison d’une inflation de 580% depuis octobre 2020 et une augmentation de 35% du taux de chômage. En outre, le pays est en proie à une pénurie de carburant et de médicaments essentiels, tels que ceux contre le cancer ou le paracétamol.

Et cette crise économique a pour fond une crise politique.

Les institutions libanaises, divisé de façon à ce que les communautés religieuses cohabitent (président de la République chrétien, premier ministre musulman sunnite, président de la chambre du parlement musulman chiite), sont corrompu. Les haut responsables desservent uniquement leurs intérêts en alimentant leurs réseaux clientélistes et allant même jusqu’à détourner des fonds. Ce régime corrompu, n’ayant pas pris fin en 2010 lors des printemps arabes, contrairement à d’autre régimes du proche et moyen orient qui adoptaient les même pratiques d’escroquerie, a vu sa légitimité toutefois se cristalliser au fil des années. Cette façon de gouverner le pays est en autre responsable de cette négligence vis-à-vis du nitrate stocké dans les entrepôts du port de Beyrouth.

L’omerta qui sévit autour de la responsabilité des dirigeants politiques de l’État, avec le refus du Parlement libanais de lever leur immunité pénale. En outre, depuis l’explosion les gouvernements se succèdent sans parvenir à relever le pays, et dénote d’une sévère instabilité, d’un navire perdu dans une tempête sans capitaine.

Mais cette ancienne Suisse du Moyen Orient pourrait devenir un nouveau point de tension ?

Le Liban est idéalement situé avec un accès sur la mer Méditerranée.  Le pays est frontalier avec la Syrie, zone de tension entre les opposants – dont Al-Qaïda- et partisans de Bashar al-assad, et Israel, en guerre avec le Hezbollah qui est établi au Liban même. Le Liban a de nombreux échanges avec ses pays voisins et accueille plus de 1,5 million de réfugiés syriens et 200.000 Palestiniens. Ce pays est donc un point clé au Moyen Orient, et l’un d’un seul endroit où l’on croit à la possibilité d’une cohabitation confessionnelle. Les pays occidentaux ont donc tout intérêt à préserver cet allier neutre sur le continent face à l’embrasement en tout point de la géopolitique au Proche et Moyen Orient et à la montée en puissance des mouvements islamistes radicaux anti-occidentaux.

Ainsi, lors d’une conférence à la suite de l’explosion organisée à l’initiative de la France, la communauté internationale avait promis 370 millions de dollars d’aides supplémentaires pour le Liban, dont 100 millions de la part de Paris. La France a en effet un attachement au Liban historique, la France étant à l’origine des institutions libanaises actuelles pour mettre fin en 1860 à la guerre opposant les maronites aux Druzes. Par ailleurs les deux pays ont une proximité culturelle, étant tout deux des démocraties francophones, avec 23 000 Français au Liban et 210 000 Libanais en France. Ainsi, Macron a été le premier président européen à se rendre à Beyrouth après l’explosion en aout 2020 pour témoigner de son soutien au peuple libanais. La France est ainsi d’autant plus regardante vis-à-vis de la situation au pays du Cèdre, et cherche réellement à ce que la situation pour l’heure critique dans cette ancienne « suisse » du Moyen Orient s’apaise, pour des raisons géopolitiques tout d’abord mais aussi culturelle.

Clémence Rossignol
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Aimant écrire sur des sujets de société, géopolitiques ou économiques, je vous propose ici mon jeune regard à travers une actualité hebdomadaire. J’essaie d’étudier en profondeur des sujets souvent peu traités par les médias traditionnels nationaux.

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