« Je veux être TikTokeur », c’est une phrase qui revient à la bouche d’un grand nombre de jeunes de la génération Z, aujourd’hui. Le fléau TikTok est certes récent mais puissant ! Certains jeunes décident même d’arrêter leurs études pour s’adonner entièrement à cette nouvelle passion et tenter de percer sur le net !
TikTok appelé Douyin en Chine, est une application mobile développée par l’entreprise chinoise ByteDance, sur laquelle on peut visionner ou se filmer sur une durée courte avec un extrait musique de notre choix. Cette application de partage de vidéo fonctionne comme un réseau social et a vu le jour en septembre 2016.
Depuis sa fusion avec une autre plateforme concurrente chinoise Musical.ly, l’entreprise ne cesse de croître de manière exponentielle non seulement en Chine, mais aussi à l’international.
En avril 2020, TikTok aurait dépassé les 2 milliards de téléchargements. Il s’agit de l’application, hors jeux en ligne, la plus téléchargée en 2018 et 2019. Aujourd’hui, TikTok est disponible dans plus de 150 pays et est traduite en 39 langues différentes. La majorité des utilisateurs de TikTok se trouve aux Etats-Unis et en Chine. Selon un sondage YouGov de septembre 2019, 40% des Américains de 13 à 16 ans utilisent TikTok.
En 2019, ByteDance, la société mère de TikTok, a réalisé un chiffre d’affaires de 20 milliards USD en hausse de 180% par rapport à l’année précédente. Elle est aujourd’hui valorisée à 75 milliards de dollars, ce qui en a fait la “startup” la plus valorisée au monde. En outre, les mesures de confinement découlant de la Covid-19, ont propulsé au sommet la popularité de ce réseau social. A titre d’exemple en France, seulement deux semaines après le début du confinement en mars, TikTok a été téléchargé plus de 93 000 fois et s’est positionné au rang de la 4ème application mobile la plus téléchargée dans l’hexagone sur cette période.
La raison de ce succès colossal ? Une consommation verticale de vidéos courtes s’inscrivant parfaitement dans les mentalités contemporaines adeptes du « paraître » et de la « mise en scène de soi ». Selon les données communiquées par l’application, les utilisateurs actifs de TikTok passent en moyenne 52 minutes par jour sur l’application. Ce nouveau réseau social se montre particulièrement addictif favorisant la procrastination, selon un grand nombre de psychologues !
Face à ces chiffres impressionnants traduisant l’hégémonie de TikTok et la place qu’occupe celui-ci dans le quotidien de la jeune génération, les spécialistes du marketing y voient désormais un média de communication inouï, un nouveau canal médiatique s’inscrivant parfaitement dans la stratégie du digital first.
Des personnalités politiques utilisent même ce réseau pour attirer de futurs jeunes électeurs ou recruter des adhérents à leur parti politique. En France, Jean-Luc Mélenchon, Président de La France Insoumise, a comptabilisé 2 millions de vues sur son dernier TikTok, qui était une provocation humoristique visant directement le Président Macron.
TikTok semble être devenue incontournable et compte parmi ses utilisateurs des célébrités internationales (des chanteurs comme Miley Cyrus, des footballers comme Ronaldo, des stars de téléréalité comme Khloé Kardashian, des mannequins comme Hailey Bieber…). Mais cette application a permis aussi l’émergence de nouvelles célébrités dites « TikTokeurs », véritables influenceurs et icônes pour les jeunes. En juillet 2020, le créateur de contenu le plus suivi sur l’application dans le monde était la jeune Charli D’Amelio avec plus de 100 millions de followers. Encore inconnue de la sphère publique il y a 3 ans, cette jeune adolescente américaine de 16 ans, grâce à ses vidéos de danse, a réalisé une ascension fulgurante et gagnerait aujourd’hui 48 199 dollars par post en moyenne. Cette jeune fille est loin d’être une exception et d’autres adolescents ont été propulsés dans la sphère publique et ont vu leurs vies transformées. Ces nouveaux acteurs, sollicités par les différentes marques qui voient en eux des « spots commerciaux vivants », sont pris en charge par des agences. Aux Etats-Unis, certains de ces TikTokeurs se sont regroupés à Los Angeles dans une maison que l’on appelle la « Hype House ». Ils ont arrêté leurs études pour la plupart et consacrent leurs journées à tourner ces TikTok, minis courts métrages de 15 secondes. En France, il existe son équivalent appelé la French House Paris.
Ces derniers mois, ce réseau social a également pris un virage « militant ». De nombreux utilisateurs publient de plus en plus de vidéos engagées prônant la tolérance, dénonçant le sexuel, luttant contre le racisme. A titre d’exemple, à la suite de la mort de George Floyd aux Etats-Unis, le hashtag BlackLivesMatter a été utilisé sur près de 8 milliards de vidéos. De plus, l’arrivée sur la plateforme de grands médias comme Le Monde ou encore l’Équipe pour la France, permette au contenu de gagner en crédit et de lutter contre le phénomène de fake news, auquel est particulièrement en proie la jeune génération.
Cependant, à mesure que l’application chinoise gagne du terrain, les gouvernements étrangers se penchent de plus en plus sur le sujet TikTok… TikTok s’est retrouvé récemment au cœur de polémiques suite aux déclarations du Président Trump, qui menaçait d’interdire l’application chinoise qui selon lui permettait au gouvernement chinois d’espionner les Etats-Unis de l’intérieur. A cet égard, le Congrès américain s’est empressé d’adopter une loi interdisant l’utilisation de la plateforme par les employés des agences fédérales. De plus, en ce début du mois de novembre, une enquête a été ouverte sur le sol américain pour « menace pour la sécurité et les intérêts du pays ». Afin d’éliminer toutes potentielles menaces, le Groupe Oracle, l’une des plus grandes entreprises américaines dans le domaine technologique, a été choisi pour reprendre les activités américaines de TikTok. Le Parlement européen s’inquiète également de la collecte des données par TikTok. Le Comité européen de la protection des données (EDPB) a promis de se pencher sérieusement et très rapidement sur les pratiques du réseau social.
Autre exemple récent, à la suite d’un affrontement meurtrier entre les armées indiennes et chinoises autour de la frontière de l’Himalaya, l’Inde -qui représentait 30% des installations de TikTok dans le monde- a interdit l’application le 29 juin 2020, afin d’assurer la sécurité et la souveraineté du cyberespace indien.
Cette application « soft power » serait-elle donc une véritable menace à la protection de nos données et de notre vie privée, nourrissant de fait les objectifs impérialistes chinois ?
La question reste entière.