La Guadeloupe, bien que située à environ 7 000 km des côtes de la France métropolitaine, suit et applique à la lettre les mesures anti-Covid-19 exhortées depuis l’Hexagone.
Cependant, bien qu’étant considérée comme une région et un département français d’Outre-mer, le Préfet de la Guadeloupe affirme « qu’à compter du 16 avril 2020 et jusqu’au 11 mai 2020, toute personne arrivant par voie aérienne sur le territoire de la Guadeloupe, en provenance de Paris, Fort-de-France et de Cayenne doit subir une quarantaine stricte de 14 jours dans une structure d’hébergement, type hôtelier ».
En revanche, certaines exceptions prévues dans l’arrêté préfectoral choquent les Guadeloupéens : » Les fonctionnaires de l’État arrivant en renfort ou les personnels de santé ne sont pas concernés pour ces dispositions « . Ces migrations potentielles et non contrôlées inquiètent les Guadeloupéens qui semblent pour le moment plutôt épargnés par l’épidémie de Covid-19, comparé à la métropole.
Le territoire insulaire dénombre aujourd’hui 148 cas et 12 décès dus au coronavirus. Selon l’Agence de Santé Régionale, 17 personnes sont hospitalisées au CHU de Guadeloupe, parmi lesquelles 13 sont en réanimation. Selon les autorités, la moyenne d’âge des cas infectés serait de 66 ans. Néanmoins, il semble que le nombre de cas officiellement déclarés soit bien en dessous du nombre de cas réels présents dans l’archipel. L’ARS, en travaillant de concert avec Santé Publique France, a cherché à évaluer le nombre de cas réels sur ce territoire d’Outre-mer, en s’appuyant notamment sur le nombre d’infections respiratoires aigües vues en médecine de ville. L’agence a, de cette façon, estimé que le nombre de personnes contaminées s’élèverait à environ 600. A posteriori, le déploiement massif de tests permettra d’apporter plus de précisions en ce qui concerne ces chiffres qui ne sont qu’estimatifs. L’ARS a annoncé de surcroît le passage de 300 à plus de 1 000 tests par jour d’ici à la mi-mai. Valérie Denux, la directrice de l’ARS, a expliqué que ces tests virologiques avaient pour objectif de tester la partie de la population guadeloupéenne présentant des symptômes. Ils ne seront, en revanche, pas fournis aux personnes asymptomatiques, à l’exception de celles sortant des EHPAD ou des voyageurs sortant de quatorzaine.
Face à la fermeture forcée d’un grand nombre de commerces et à la paralysie de l’activité économique principale de l’île, – le tourisme -, les Guadeloupéens s’inquiètent quant à leur avenir. Ainsi, l’approche de la période estivale, – cruciale pour les commerçants guadeloupéens -, soulève de nombreuses interrogations, notamment en ce qui concerne la fermeture des frontières extra-européennes. La situation géographique éloignée de l’île pourrait devenir un obstacle vis-à-vis de son attractivité. Les touristes européens, pour la plupart cet été, redoutent les destinations éloignées et cherchent avant tout la sécurité sanitaire. De plus, la fermeture des frontières de la France vis-à-vis de pays hors de l’Europe, comme vis-à-vis des États-Unis porterait préjudice à l’archipel. Selon les résultats d’une enquête de Qualistate publiée le 22 avril 2020, 84% des Guadeloupéens se disent préoccupés vis-à-vis des conséquences économiques du Covid-19.
Cette inquiétude pour les 2/3 des sondés concerne également la capacité du CHU et du système sanitaire guadeloupéen à prendre en charge les personnes atteintes du virus. En effet, la question de la fragilité des infrastructures hospitalières en Guadeloupe est prégnante. Depuis l’incendie de novembre 2017, ayant fortement frappé un Centre Hospitalier Universitaire de Pointe-à-Pitre, le système de santé guadeloupéen peine à se rétablir sainement. Le corps médical s’est, d’ailleurs, mis en grève à de multiples reprises pour dénoncer une pénurie matérielle, des conditions précaires, un manque de personnel et des locaux vétustes. Pour répondre à ces revendications, la région avait prévu l’ouverture d’un nouvel établissement de santé pour 2022, mais la grande épidémie actuelle presse la région qui pourrait voir ses services sanitaires saturés. Pour ce qui concerne le manque de personnel soignant à Pointre-à-Pitre, la région a mis en place un dispositif garantissant une main d’œuvre soignante suffisante dans les hôpitaux. En effet, dès juin 2019, le clairvoyant sénateur guadeloupéen, Dominique Théophile, avait initié un amendement adopté permettant à des médecins étrangers d’exercer sur l’île. En pleine pandémie, un décret est venu autoriser ces interventions et a permis à de nombreux médecins cubains de rejoindre les rangs des soignants guadeloupéens. Pourtant, les infrastructures sanitaires vétustes, la quasi-indisponibilité des masques en Guadeloupe choquent et défraient l’opinion publique. À Paris, le 31 mars 2020, Annick Girardin, la ministre des Outre-mer, avait tenté de faire taire les polémiques en affirmant : » Il n’y a pas d’impréparation, ce n’est pas vrai. Les moyens qui ont été mis en place jusqu’à aujourd’hui dans les territoires d’Outre-mer répondent aux mêmes critères, à la même organisation qu’en métropole, que l’on parle de masques, de tests, de respirateurs « .
Malgré tout, selon l’étude de Qualistate du 22 avril dernier, les Guadeloupéens sont majoritairement satisfaits en ce qui concerne la gestion de cette crise, et par la région et par le département. En ce qui concerne les services de l’État, les opinions sont cependant divisées. Près de 75% des Guadeloupéens se déclarent satisfaits du rôle joué par la préfecture, mais un peu plus de la moitié des sondés sont plutôt insatisfaits de la gestion de l’ARS.