L’épidémie de Covid-19 a profondément affecté les marchés mondiaux. A l’image du monde entier, en Chine, la pandémie de coronavirus a fait reculer l’économie nationale pour la première fois depuis quarante ans !
Selon les chiffres publiés le 17 avril dernier, par le Bureau national chinois de la statistique, le produit intérieur brut (PIB) a officiellement plongé de 6,8 % au premier trimestre 2020, comparé aux trois premiers mois de 2019. Face à cette situation inédite, le gouvernement chinois a annoncé la mise en place d’une politique de relance qui creuserait la dette publique, rompant ainsi avec la politique de croissance qui été jusqu’alors menée.
Selon le dernier rapport du groupe de conseil en communications Ruder Finn datant du mois dernier, 82% des 800 consommateurs interrogés entre 36 et 45 ans avec un revenu familial annuel de plus d’un million de Yuan, pensaient que le coronavirus allait avoir un impact négatif sur l’économie chinoise. Ces consommateurs envisageaient de réduire leurs dépenses dans les bijoux, les sacs à main et des produits de beauté. Les consommateurs adopteraient des comportements de dépense conscients et favoriseraient l’épargne de précaution. A l’heure d’une crise économique d’une ampleur inédite et d’un avenir incertain, le temps est plus que jamais à la consommation raisonnée. L’onde sismique du Covid-19 s’est fait toutefois ressentir de manière inégale selon les secteurs d’activité chinois.
Avec un personnel travaillant à domicile et portant des masques, les ventes de vêtements par exemple ont dramatiquement diminué. A l’inverse, les ventes de produits de première nécessité et alimentaires d’épicerie ont été particulièrement fortes. Selon le rapport de Nielsen, les supermarchés et hypermarchés physiques ont réalisé des résultats très positifs de +5.8% renforçant l’alliance Alibaba – Auchan scellée en 2017 en Chine.
Le e-commerce, lui, a été encore plus dynamique que les magasins physiques. Une partie des ménages a davantage eu recours aux commandes en ligne, afin d’éviter les grandes surfaces et le contact humain. En Chine, entre janvier et février 2020 selon Alibaba et Tencent, la hausse de la vente en ligne des produits frais a représenté 158 milliards de dollars ! Ryan Zhou, le Vice-Président CPG Nielsen Connect Chine, a observé : « Les consommateurs qui auraient pu hésiter à accepter les achats en ligne auparavant, les consommateurs de la génération plus âgée, ou les personnes qui hésitaient auparavant à acheter les produits frais en ligne, ont maintenant testé et connu les avantages de sorte qu’il est peu probable de revenir à leurs anciens modes de consommation. ». Cette nouvelle clientèle pourrait être convaincue à l’usage par les réels avantages du e-commerce et de facto modifier de façon permanente son mode de consommation en privilégiant celui-ci.
Alors, l’e-commerce le grand gagnant de la crise sanitaire ? Le géant chinois du e-commerce Alibaba affirme avoir limité l’impact du virus sur son activité. Le chiffre d’affaire d’Alibaba Group semble avoir plutôt bien encaissé ce séisme économique. Bien que les bénéfices pour le premier trimestre 2020 aient diminué de 88% par rapport quatrième trimestre 2019, les dirigeants du groupe se félicitent. Ainsi, lors d’une conférence téléphonique avec des analystes, les dirigeants d’Alibaba ont remercié le gouvernement chinois qui aurait permis, de par sa gestion « efficace » du Covid-19, de réaliser des résultats meilleurs que prévu. Cette gestion a de facto permis au pays de commencer à rouvrir ses portes début mars. La directrice financière du groupe Alibaba, Maggie Wu a ajouté : « Bien que la pandémie ait eu un impact négatif sur la plupart de nos principales activités commerciales nationales à partir de la fin janvier, nous avons constaté une reprise régulière depuis mars ». L’épidémie a représenté l’occasion pour le géant de pousser un grand nombre de ses offres auprès de nouveaux clients, notamment les petits commerces locaux moins connectés qui ont dû s’adapter et adopter le commerce en ligne. Alibaba a su attirer cette nouvelle clientèle à travers des offres de promotion aux commerçants sur ses services de livraison ou l’octroi de prêts à 0 %. De même, son concurrent américain Amazon semble, lui aussi, avoir gagné des parts de marché et renforcé durablement son hégémonie boursière en ce temps de crise majeure.
Ainsi cette crise a-t-elle accéléré cette pénétration du e-commerce dans nos vies quotidiennes. Le poids et l’influence de ces plateformes, de plus en plus ancrées dans nos sociétés ces dernières années se verraient renforcer par le monde d’après où la distanciation sociale est une norme appelée à durer. Cependant, parler d’un « triomphe du numérique » ne serait pas justifié et relèverait de la généralité.
Selon une étude de Content Square, les réels « gagnants » du e-commerce durant cette période épidémique sont en réalité les secteurs de la grande distribution, des banques et assurances, de la santé et de la Tech qui ont chacun vu leurs transactions augmenter de 57%, 45%, 17%, et 15%. Les industries du tourisme, du luxe et de cosmétique ont, quant à elles, vu leurs trafics et leurs transactions e-commerce diminuer. On peut donc parler du Covid-19 comme un accélérateur des nouveaux modes de consommation, où commerce et numérique fusionnent et se confondent de plus en plus. Paradoxalement, dans ce monde de plus en plus connecté, les hommes sont physiquement de plus en plus distants. Ces plateformes de ventes au détail ne sont que les dépositaires et redistributrices de biens et ne jouent qu’un rôle d’intermédiaire entre deux êtres humains : le vendeur et le consommateur. Mais cet intermédiaire se placera-t-il en substitut de nos véritables liens sociaux ?